LES COÛTS DE REVIENT

Pourquoi calculer les COÛTS DE REVIENT dans votre entreprise ?

La comptabilité de management est avant tout un “outil décisionnel” qui permet de répondre à de nombreuses questions telles que : connaître la structure des coûts, calculer les “coûts standard” des produits et prestations, déterminer les “coûts réels”, mettre en évidence les écarts, aider aux “choix des investissements”, calculer l’impact lié à la modification d’un “process”, “faire où faire faire” un produit ou une opération (sous-traitance), déterminer la “rentabilité des ventes”, etc… Cette liste non exhaustive démontre bien tout l’intérêt d’implanter dans l’entreprise un système analytique.

Qu’est-ce qu’un COÛT DE REVIENT ?

Définition :

Tout d’abord un coût est le fruit d’un calcul, par opposition à un prix qui est le résultat de l’offre et de la demande. Un coût est une accumulation de charges : sur une fonction ou EFFORT, sur un produit, une prestation, plus globalement sur un “objet de coût”. Un coût n’est pas unique et la comptabilité de management n’est pas une science exacte. Les coûts sont relatifs à des hypothèses de calculs qui influent bien évidemment sur les résultats obtenus.

Les charges :

Les charges utilisées en comptabilité analytique sont constituées pour partie des charges comptables, mais également de charges dites “extra-comptables”. En effet un certain nombre de retraitements sont nécessaires pour prendre en compte la réalité économique de l’entreprise, par opposition à la réalité comptable et fiscale. Les charges peuvent être directes ou indirectes, variables ou fixes. Ces différents critères vont permettre de définir les méthodes de calcul.

Les retraitements des charges et produits :

Les retraitements concernent pour l’essentiel : l’amortissement des immobilisations, le coût des capitaux, les charges et les produits appelés “non incorporables” qui ne traduisent par des faits permanents, ces derniers sont donc éliminés du calcul.

La comptabilité fiscale définit des règles d’amortissement qui peuvent être, en termes de durée, éloignées de la réalité économique, bien que l’évolution des normes “IFRS” tend à en corriger les écarts. Il est indispensable d’établir la liste des immobilisations en fonctionnement, avec pour chacune d’elle, le prix d’achat, la durée stratégique d’amortissement et d’en calculer l’annuité constante. Les valeurs obtenues se substitueront aux données comptables. Dans la plupart des cas les montants ainsi calculés seront sensiblement supérieurs aux valeurs comptables.

Les différentes méthodes :

Une charge Directe est affectée à un coût sans calcul intermédiaire (ex : les matières premières, la sous-traitance directe, le coût salarial de la main-d’oeuvre de production, les charges d’emballages et de transports, ect..). Une charge Indirecte est répartie grâce à une “clé de répartition”.

Une Charge dite Variable (CV), évolue en fonction de l’activité de l’entreprise, mais pas toujours proportionnellement. Cela va dépendre du “mix produits”. En effet tous les produits n’ont pas la même structure de coût. Certains peuvent intégrer par exemple un pourcentage important de matières premières et une part élevée de main-d’oeuvre directe, alors que d’autres auront peu de matières premières et seulement des heures-machine. Une Charge Fixe (CF) reste à un niveau donné durant une période définie, souvent l’exercice fiscal, et ceci quelle que soit l’activité (loyers, entretien des matériels, assurances, honoraires, dotations aux amortissements, salaires de l’encadrement et des fonctions “supports”).

A partir du tableau ci-dessous nous pouvons définir le contenu des différentes méthodes de calcul :

 
  Charges Directes     Charges Indirectes
Charges Variables (CV) 1 2
Charges Fixes (CF) 3 4

Notons que le choix d’une méthode de calcul n’est pas anodin et que cela peut avoir des conséquences sur les résultats obtenus, ainsi que sur la pertinence de l’analyse qui en découle. L’expérience nous démontre qu’un “savant dosage” entre coûts partiels et coûts complets donne de bons résultats.

Les méthodes dites des COÜTS PARTIELS

Les différents méthodes sont :

  • Les coûts variables (Direct Costing) : 1,2
  • Les coûts variables améliorés (Direct Costing amélioré) : 1,2,3
  • Le coût marginal : 1,2,3

Les méthodes dites des COÛTS COMPLETS

Les différents méthodes sont :

  • les centres d’analyse (Full Costing) : 1,2,3,4
  • ABC (Activités à Base de Coûts) : 1,2,3,4
  • L’imputation rationnelle des charges : 1,2,3,4

La différence entre ces méthodes provient des modes de répartition des charges indirectes.

La méthode “ABC” (Activités à Base de Coûts)

Cette méthode s’appuie sur la logique des “processus”.  L’enchaînement des tâches, de la conception à la commercialisation d’un produit, va donc structurer l’organisation analytique de l’entreprise.  L’apparition de cette méthode tient au fait que depuis de nombreuses années nous assistons à une modification, une évolution de l’outil de travail (moins de main-d’œuvre, plus de machines, de technique et de souplesse). La structure des coûts évolue (moins de fonctions productives et plus de fonctions dites “supports”). Nous pouvons mesurer facilement l’accroissement important des coûts indirects (Qualité, chef de projets, etc..).

La méthode des “centres d’analyse” oblige à répartir nombre de charges indirectes grâce à des “clés”, très souvent arbitraires, qui ne reflètent pas la façon dont les ressources sont réellement consommées (lien de causalité).

La méthode ABC peut être appliquée dans les PME, voire TPE, à condition de faire “simple”. Cette méthode définit, pour chaque section “supports”, des “activités”, à condition que ces dernières soient “traçables”, c’est-à-dire pouvant être rattachées à un produit, une prestation, un client, un marché, par un lien d’imputation direct ou indirect.

Méthodologie des calcul des coûts

Bâtir l’organigramme analytique

Afin d’illustrer notre approche nous allons nous appuyer sur l’exemple d’une entreprise dont l’activité est la conception, la fabrication et la commercialisation de moules destinés à la transformation des matériaux plastiques.

L’organigramme est le suivant :

MOULES_ORGA

La partie droite du schéma représente le processus :

Les sections principales (symbole “drapeau rouge”) sont au nombre de 9. La fonction production en comporte 7. Une fonction principale est caractérisée par le fait que nous pouvons mesurer son activité par une “Unité-d’Oeuvre” (U.O) ou “Inducteur de coûts” (méthode ABC). Ex : l’heure-homme, l’heure-machine, la commande, l’Ordre de Fabrication (O.F).

La partie gauche représente la segmentation des ventes :

En produits, familles de produits, marchés, catégories de clients, etc.. Ces éléments seront indispensables pour l’étude de la rentabilité qui devra répondre à la question : d’où proviennent mes résultats ?

Les 3 étapes pour calculer les coûts (commentaires du schéma) :

1ère étape : répartir les charges par section et activité et calculer les coûts des U.O (Unité-d’Oeuvre) ou UC (Inducteur de coût).

Le tableau ci-dessous fournit la synthèse des charges selon différents critères :

  • Biens et Services de Fonctionnement (BSF), c’est-à-dire les frais généraux
  • Les salaires, charges sociales et taxes calculées sur les salaires (SAL)
  • Le coût de l’équipement (CE), représentant le renouvellement et le coût du financement des immobilisations
  • Le Coût de Capitaux Engagés (CCE), indiquant le coût du Besoin en Fonds de Roulement d’Exploitation (BFRE).
  • Les charges variables (CV)
  • Les charges Fixes (CF)

2ème étape : affecter les charges dites de Consommation Directe (CD)

Les charges de cette catégorie sont représentées par : les matières premières (Comptes 601), les fournitures incorporées (Comptes 602), les marchandises (Comptes 607), la sous-traitance directe (Comptes 604-605), les emballages (Compte 602), les transports sur achats et sur ventes (Comptes 608-624). Cette liste est non exhaustive.

Leur valorisation se fait au prix d’achat en prenant en compte, si besoin, un taux de déchets selon les postes concernés.

3ème étape : imputer aux produits ou prestations, les ressources consommées (ex : heures-homme, heures-machine, etc..), valorisées aux coûts obtenus lors de la 1ère étape.

Les Unités-d’Oeuvre (UO)

La définition des Unités-d’Oeuvre (U.O) ou inducteurs de coûts (Méthode ABC), pour chaque section principale ou activité, s’appuie sur la logique des processus. Il faut répondre à la question : qu’est-ce qui traduit le mieux la mesure de l’activité de l’EFFORT, de la section, de l’activité (ABC) ? La quantification des U.O doit faire l’objet d’une approche rigoureuse.

Prenons l’exemple d’une machine de fraisage à commande numérique (CN) :

  • Le Temps d’Ouverture (To)(*) correspond à l’amplitude des horaires de travail du moyen de production. Il est égal à 4.500 heures (45 semaines par an x 5 jours par semaine x 20 heures par jour).
  • Le Temps Utile (Tu)(*) correspond au temps théorique de production. Le relevé annuel indique 3.375 heures. Le TRS (Taux de Rendement Synthétique) est donc égal à 75 % (Tu/To x 100).
  • Le nombre d’U.O retenu sera de 3.375 heures.

Quelle position adoptée si le nombre d’U.O est anormalement faible ou trop élevé ? Dans ce cas nous retiendrons un volume estimé normal ou standard, en retenant un objectif raisonnable et atteignable.

(*) cf. “Norme AFNOR NF-E60-182 (Mai 2002)

Tableau issu de la 1ère étape / Répartir :

Fonctions Sections ou Activités Codes Total (k€) BSF SAL CE CCE CV CF En %
DEVELOPPER Bureau d’Etudes BE 159 7 132 19 0 0 159 7%
PRODUIRE         Fraiseuses CN Gr1 435 61 119 255 0 117 319 65%
Tours CN Gr2 109 4 39 66 0 38 71
Electro-Erosion Gr3 272 9 85 178 0 83 189
Ajustage-Montage Gr4 191 4 179 8 0 175 15
Machines traditionnelles Gr5 105 6 66 33 0 64 40
Perçage-Forage Gr6 110 4 57 49 0 56 54
Essais Gr7 207 30 45 131 0 66 141
Charges communes de production PRCHC 108 43 57 8 0 24 84
Total fonction Production   1 538 163 646 729 0 624 915
VENDRE Service commercial CIAL 296 136 149 11 0 0 296 13%
GERER &      ADMINISTRER Adminisration-Direction ADM 285 52 199 34 0 0 285 15%
Charges à absorber CHABS 80 16 0 15 49 1 78
Total management   365 68 199 49 49 1 363
  Total des charges   2 357 374 1 126 808 49 625 1 732 100%
  En % du total   100% 16% 48% 34% 2% 27% 73%  
  Charges affectables   1 993 306 927 759 0 624 1 369  
  Charges non affectables   365 68 199 49 49 1 363  

Études des charges :

Le total des charges est de 2.357 k€, dont 1.993 affectables (Développer 159 / Produire 1.538 / Vendre 296). La fonction développement représente 7% des charges totales, celle de production 65%, et la fonction commerciale 13%.

Les charges non affectables s’élèvent à 365 k€, soit 15% des charges totales, et correspondent à la fonction management (Gérer, Administrer), associée au “charges communes à absorber”.

Les charges de fonctionnement (BSF) sont égales à 374 k€ (16%), les salaires et charges sociales (SAL) 1.126k€ (48%), le coût de l’équipement (CE) 808 k€ (34%) et le coût des capitaux engagés (CCE) 49 k€ (2%).

Les charges variables (CV) représentent 625 k€ soit 27% du total et les charges fixes (CF) 1.732 k€, soit 73%. Cette segmentation des charges et CV et CF, va permettre de déterminer le Seuil de Rentabilité analytique (SR).

Cette approche favorise l’analyse des différents postes de charges, l’étude de leur évolution et la prise de décisions. Quels sont les postes que nous pouvons optimiser ? Les fonctions supports, le Management, sont-ils en cohérence avec le coût de l’outil de production ?

Seule l’approche analytique permet cette vision.

Calcul du coût des U.O

Fonctions Sections ou Activités Codes Total (k€) Types U.O Qté UO Coûts UO (€) CV (k€) Coûts UO varia-bles (€) CF (k€)
Développer Bureau d’Études BE 159 H/H 4 022 39 0 0 159
Produire Fraiseuses CN Gr1 468 H/M 8 550 55 124 14 344
Tours CN Gr2 115 H/M 1 473 78 39 27 76
Erosion Gr3 293 H/M 5 445 54 88 16 205
Ajustage-Montage Gr4 213 H/H 5 926 36 181 30 33
Machines traditionnelles Gr5 116 H/H 2 812 41 67 24 49
Perçage-Forage Gr6 120 H/H 2 601 46 58 22 62
Essais Gr7 213 H/H 1 497 142 67 45 146
Total “Produire”   1 538       624   915
Vendre Service commercial CIAL 296 100€ CA 24 507 12% 0   296
Gérer & Administrer Administration-Direction ADM 285       0   285
Charges à absorber CHABS 80       1   78
Total management   365       1   363
  Total des charges   2 357       625   1 732

Les différents coûts des U.O que nous calculons sont valorisés en charges affectables, ce qui suppose qu’il faudra appliquer sur ces valeurs un coefficient moyen pour absorber ou couvrir les frais du Management.

Après avoir réparti les Charges Communes de Production en fonction des activités propres à ce poste (diriger, planifier, gérer, contrôler la production, etc..), puis quantifier les différentes Unités-d’Oeuvre, nous calculons leur coût respectif.

Ex : le groupe Fraiseuses CN (Gr1) coûte 468 k€ pour 8.550 heures-machine, soit un coût horaire de 55 €. Cette valeur est composée de 14 € (124 k€ x 1000 / 8.550) de charges variables, les charges fixes représentant 344 k€.

Si nous posons l’hypothèse d’augmenter le nombre d’heures productives de 20%, soit un total de 10.260 H/M (8.550 x 1,20), le nouveau coût de l’U.O du Gr1 sera de 48 € [14 € + (344 k€ x 1000 / 10.260)]. Le gain espéré serait de 7 € par heure-machine.

La fonction Développement est valorisée à 39 € par heure. Il est important de bien suivre l’imputation des heures de cette section sur les affaires, car nous constatons très souvent une déperdition importante entre les heures retenues comme diviseur d’U.O et celles imputées aux affaires. Cet écart s’explique par des tâches associées à cette fonction qui relève fréquemment de la Recherche et Développement (R&D).

La fonction Commerciale a pour U.O, 100 € de Chiffre d’Affaires. Le coût de cette U.O est de 12€. L’application de ce coût sera la suivante : sur un Prix de Vente calculé de 50 k€ nous appliquerons 12% pour couvrir les coûts commerciaux, soit un montant de 6 k€. Bien évidemment nous pourrions envisager un autre type d’U.O, qui refléterait peut être mieux la réalité, selon les cas.

Calcul du Prix de Vente

La fonction Management qui inclut les charges “d’Administration-Direction” et celles dites “communes à absorber”, pèse 15% du total, pour 365 k€. L’absorption de ce coût au niveau des produits ou prestations vendus se fera par application d’un coefficient dit de VALORITE-CIBLE, dont la détermination est la suivante :

(Charges affectables + charges de Management) / Charges affectables = Coefficient

(1.993 + 365) / 1.993 = 1,18

Attention il s’agit d’un coefficient moyen qui doit être appliqué avec discernement. En effet chaque couple “familles de produits/Marchés” peut générer des résultats hétérogènes, entraînant nécessairement l’application de taux distincts. Le prix marché (Ce que le client souhaite payer), est influencé par de nombreux facteurs (Pression des clients, concurrence, technicité requise, ect..). Seule l’analyse des ventes selon le concept de la Valeur Ajoutée Directe (VAD) peut faciliter la connaissance des différents coefficients obtenus . Leur utilisation est fonction de la stratégie définie par la direction de l’entreprise.

Déterminer le Prix de Vente (PV) se fera en appliquant de la formule suivante :

Consommations Directes (CD) + [Effort affectable (Développement + Production + Commercial) x Coefficient de Valorité-cible ] = PV souhaitable

La notion de “Seuil de Rentabilité”

L’étude analytique des charges permet de déterminer le montant des Charges Variables (CV) et les Charges Fixes (CF).

Le Seuil de Rentabilité (SR) ou Point Mort (PM) exprime un niveau d’activité (Chiffre d’Affaires, nombre d’heures ou de produits à vendre), pour lequel l’entreprise ne fait ni bénéfice, ni perte.

Or dans l’approche que nous décrivons, les retraitements auxquels nous avons procédé incorporent aux coûts toutes les charges : de fonctionnement, les salaires et charges sociales, le renouvellement et le coût financier des immobilisations, ainsi que le coût du Besoin en Fonds de Roulement d’Exploitation (BFRE).

Dans cette configuration, le Seuil de Rentabilité obtenu, devient un niveau d’activité à atteindre pour que l’entreprise puisse assurer sa pérennité.

Le calcul du SR nécessite de connaître : le Taux de Marge Sur Coûts Variables (Taux de MSCV) et le montant des charges Fixes (CF).

Voici les données de notre entreprise (k€) :

CA ht : 2.721 – CV : 1.621 (CD 996 + Autres 625) – MSCV : 1.100 (2.721-1.621) – Taux de MSCV : 40% (1.100/2.721) – CF 1.732

Seuil de Rentabilité = 4.285 k€ (1.732 / 40%)

Compte tenu du chiffre d’Affaires réalisé, la Marge de Sécurité (CA-SR) est négative (1.564 k€). Bien évidemment il s’agit de données analytiques, mais néanmoins l’objectif à atteindre est bien de 4.285 k€.

Conclusions :

Cette approche n’est qu’un condensé réducteur des techniques de calcul des coûts de revient, dont le développement au sein de chaque entreprise doit être un facteur d’amélioration des performances.

Nous soulignons que les différentes hypothèses retenues en termes d’unités-d’oeuvre (U.O), devront faire l’objet d’un suivi régulier, afin d’anticiper d’éventuelles dérives. La comptabilité de Management devient ainsi le premier maillon d’un système de “contrôle de gestion” aux sein de vos entreprises.

L’action collective intitulée “Optimisation Financière”; initiée par Allizé-Plasturgie-Rhône-Alpes (Syndicat professionnel), a été un excellent laboratoire pour implanter dans vingt-trois entreprises, ces méthodes et en démontrer l’efficacité. Nous formulons le souhait de voir se développer, au sein des PME et TPE industrielles l’intérêt pour cette approche.

 

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